Réflexion sur l’évolution de la profession d’avocat

Même si les éternels sceptiques tournent la tête et regardent ailleurs, le ver est bel et bien dans le fruit. Comme nombre de professions, les avocats voient leur modèle économique challengé par les nouvelles technologies. Loin d’être anecdotique, c’est le résultat de changements profonds de la société. Point sur l’évolution de la profession d’avocat demain.

État des lieux sur la profession d’avocat en France

Zoom sur quelques éléments qui redessinent l’horizon de la profession.

Hétérogénéité des pratiques

Le retard accusé sur les avocats du common law se creuse avec le risque à terme d’en subir plus fortement la concurrence. Les cabinets d’affaires anglo-saxons se fondent en effet davantage que leurs homologues français sur une approche collaborative de l’exercice de la profession d’avocat, là où les Français pêchent par leur mode d’exercice libéral et individualiste. Avec leur vision entrepreneuriale du cabinet, ils séduisent les grosses entreprises en leur proposant des offres plus complètes et globales. Les cabinets américains et anglais sont souvent à la pointe de l’innovation : n’est-ce pas un cabinet américain qui est a été le premier à utiliser le robot-avocat « Ross » pour s’occuper des faillites d’entreprises ?

Ces écarts de pratique se retrouvent aussi dans le clivage cabinet de province/cabinet parisien. La centralisation typiquement française est là encore à l’œuvre. Paris reste toujours le centre du monde rassemblant les plus grosses structures, les dossiers les plus rémunérateurs, les cabinets les plus spécialisés et les plus avancés en terme d’innovation.

Au-delà de ces éléments externes, les lignes bougent également pour les professions du droit elles-mêmes. Avec le projet de loi Pacte, une révolution silencieuse est en marche. Les avocats qui subissaient déjà la concurrence des experts-comptables redoutent les nouvelles mesures de cette loi. En effet, la séparation traditionnelle entre l’audit comptable et le conseil sera dorénavant un peu plus grignotée, contrepartie accordée par le gouvernement au relèvement des seuils d’audit des comptes. Aussi, l’élargissement des compétences des commissaires aux comptes offrira de nouveaux marchés aux professionnels.

À l’intérieur même de la profession, le constat n’est pas forcément plus engageant. Avec le doublement du nombre des avocats en 20 ans, passant d’environ 30 000 avocats à plus de 60 000 aujourd’hui, la profession devient fortement concurrentielle. Les juristes d’entreprise, parfois anciens avocats, prennent aussi de la place car ils savent comment un cabinet fonctionne.

 

Les nouvelles technologies : menace ou opportunité ?

L’avocat de demain sera-t-il remplacé par un robot ? Question récurrente, presque éculée, que se posent beaucoup mais qui traduit surtout une réelle inquiétude…

Au-delà du fantasme, la disparition d’une partie des activités auparavant chasse gardée des avocats est déjà tangible. Qui va s’en occuper ? Les LegalTech qui répondent aux besoins nouveaux exprimés par les clients, et notamment :

  • Une meilleure transparence des tarifs et des coûts plus restreints,
  • Une meilleure accessibilité (un accès rapide et une information juridique claire)

Néanmoins, tout n’est pas à mettre sur le même pied d’égalité. Parmi la variété des LegalTech, certaines possèdent une réelle valeur ajoutée et donc un potentiel de développement fort sur le long terme. C’est par exemple le cas des solutions de gestion de cabinet qui intègrent des innovations fortes (API, etc.).

D’autres LegalTech proposent des services à valeur ajoutée modérée voire faible mais obligent néanmoins certains avocats à repenser leur offre de services pour ne pas qu’elle devienne interchangeable et uniquement différentiable des autres par son prix, forcément plus élevé. Par exemple :

  • Service à très faible valeur ajoutée : les statuts de SARL, un pacte simple…
  • Service à valeur ajoutée modérée : révision limitée de clauses spécifiques…

 

À quoi servira (encore) un avocat demain ?

La question se veut volontairement provocatrice mais a le mérite de regarder en face les bouleversements qui secouent la profession.

L’avocat n’est bien sûr pas voué à disparaître, dévoré par une armée de robots-zombies, cédant à « l’uberisation » généralisée de sa profession.

Il doit se recentrer sur sa propre valeur ajoutée, qui est bien réelle est indispensable. Tout simplement parce que les services proposés par les LegalTech portent en eux le fruit de leurs propres limites.

Par exemple, prenons 4 éléments que seul un avocat apportera :

  • Le conseil client et l’élaboration d’une stratégie : les documents standardisés resteront toujours des modèles à adapter
  • La relation humaine en elle-même (écoute, proximité…)
  • La fiabilité de l’information juridique : pour éviter de céder à « l’automédication juridique » des clients…
  • La confidentialité préservée : faut-il rappeler que le secret professionnel est un des piliers de la profession ?

En d’autres termes, la concurrence LegalTech/avocat ne se situe pas sur le même niveau. Les avocats ont un cœur de métier et des compétences qui ne peuvent pas être remplacées par les nouvelles technologies. En revanche, la LegalTech peut leur apporter bien des atouts et des opportunités de développement du cabinet.

 

Alors, le glas sonne-t-il pour les avocats ? Non, bien sûr. Mais, l’évolution de la profession d’avocat est certainement en marche. Adapter sa pratique aux nouvelles attentes des clients et mettre la technologie au service de la croissance et de la performance du cabinet sera indispensable à l’avenir !